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Michel Vancassel


Sommaire

Michel Vancassel

Chercheur CNRS honoraire, Ethologiste et Evolutionniste, j'ai terminé ma carrière comme:

  • Chargé de l'animation de la "Culture scientifique et technique" à la délégation régionale Bretagne du CNRS.
  • Directeur adjoint de l'école doctorale "Vie-Agro-Santé" de Rennes, en charge de la mise en place d'un enseignement commun des DEA (aujourd'hui Master 2) ouvert à l'histoire, philosophie et sociologie des sciences.
  • C'est à cette époque que j'ai commencé à travailler sur "la culture scientifique", ce qu'elle n'est pas et ce qu'elle pourrait être. Voir à ce propos : A la découverte de la culture scientifique sur le site de l'Université de Rennes 1.
  • Simultanément j'ai adhéré aux "petits débrouillards bretagne" dont je suis, depuis, administrateur.

Je suis en outre adhérent à:

  • la commission "culture scientifique et technique" de l'université de Rennes1
  • la fondation "Sciences Citoyennes"
  • l'association française pour le Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique (MURS)

Activités actuelles:

  • Suivi de l'expérimentation des "Séminaires d'exploration de controverses" dans le cadre du programme "appropriation sociale des sciences" de la région Bretagne.
  • Conférences et débats à la demande : (Année Darwin par exemple).

Dernières interventions:

  • "Pourquoi la théorie de l'évolution fait-elle (encore) peur ?" (CRDP Nantes, nov. 2008)
  • "Evolution, sélection naturelle, etc" (réunion des animateurs "Ptits-Debs", fev.2009)
  • "Réchauffement Climatique et Biodiversité" (maison d'arrêt de Ploemeur, mars.2009)
  • "Quelle société de la connaissance ?" (devant des élèves ingénieurs, local PD Brest, mars.2009)
  • "Cinq sens ou plus ? " (Maison de la baie, au CAP à Plérin, avril 2009)
  • Darwin et la théorie de l'évolution: café des sciences (CCAS, Fouesnant, juillet 2009)
  • Darwin au coeur des débats (avec JS Pierre) : café des sciences (St Brieuc, novembre 2009)
  • Enseigner la théorie de l'évolution (débat, avec PH Gouyon) (IUFM St Brieuc, novembre 2009)
  • Animal-Homme, continuité et discontinuité (Ploufragan, novembre 2009)


Articles:

A la découverte de la culture scientifique

(2006) Cliquez ici pour télécharger "A la découverte de la culture scientifique"

L'instinct maternel existe-t-il ?

Les déclarations récentes d'Elisabeth Badinter à propos des conduites maternantes chez les femmes ont suscité de nombreuses réactions, souvent négatives, et la primatologue Sarah Hrdy, auteur d'une somme sur ce qu'il est convenu d'appeler "les instincts maternels", a même été convoquée pour dire ce qu'elle en pensait.

La présentation de cette discussion à distance reprend comme titre l'affirmation de S. Hrdy: "Le comportement maternel a une base biologique" (Bibliobs) tandis que l'interview d'E.Badinter dans le "Nouvel Obs" est introduite sous le titre "La femme n'est pas un chimpanzé". "Discussion" bien mal partie ? On pourrait le craindre et les réactions de nombreux lecteurs, pour l'une contre l'autre, laissent à penser qu'ils sont tombés dans le piège de la sempiternelle opposition "nature-culture" qui commence par celle de "l'inné-acquis".

L'INSTINCT: Ce terme présente la difficulté d'être employé par tout le monde et dans des acceptions très différentes. En éthologie (étude du comportement animal) même il a été longtemps utilisé pour désigner les comportements considérés comme strictement déterminés génétiquement (K. Lorenz), jusqu'à ce que l'on pense à poser la question "how an instinct is learned ?" (J. Hailman). Dire d'un instinct qu'il existe ou pas, dépend tout d'abord de l'idée que l'on s'en fait ! S.Hrdy, qu'on se rassure, prend la précaution de souligner la complexité des comportements dits "instinctifs". Et si elle répète que le comportement maternel a des bases biologiques c'est pour mieux insister sur ses autres déterminants. Toutes choses que pas mal de gens comprennent aujourd'hui,...

L'HUMAIN: Après l'année consacrée à Darwin et à sa théorie de l'évolution biologique, bien peu de personnes ignorent qu'"Homo sapiens" est une espèce de mammifère (dont la lactation est une des caractéristiques), un primate (c'est à dire un singe) dont la parenté évolutive avec le chimpanzé semble définitivement établie. E. Badinter ignore-t-elle, ou nie-t-elle cela lorsqu'elle dit "La femme n'est pas un chimpanzé"? Ou, plutôt, veut-elle dire que la femme n'est pas seulement un chimpanzé et que l'espèce Homo sapiens est un singe très particulier ? L'affinité évolutive de deux espèces, aussi grande soit-elle, ne garantit pas leur continuité comportementale. La culture, la morale, le langage, proprement humains, ne transforment-ils et n'enrichissent-ils pas nos comportements "à base biologique" ? Et si, avant même sa naissance, les parents du jeune humain lui choisissent un nom, dira-t-on pour autant que ce prénom est inné ?

Voici deux citations tirées de la "réponse" de S. Hrdy à E. Badinter. Tout d'abord, "Les comportements complexes comme le maternage ne sont jamais totalement prédéterminés génétiquement ni produits par le seul environnement." Où voyez vous là que Hrdy réfute l'hypothèse de la "mère socialement construite", ... sur une base biologique bien entendu ?

Enfin, "Dans mon pays, je m'inquiète beaucoup du devenir de la révolution féministe, tout comme Elisabeth Badinter le fait elle-même. Mais ma plus grande peur est que, en tant que société, nous perdions l'art d'élever des enfants, et avec lui beaucoup de qualités humaines comme l'empathie, la conscience, le soin aux autres qui se développent au cours du maternage de l'enfant..." Et puisque S.Hrdy parle de "l'art d'élever les enfants", peut-on reprocher à E.Badinter de préférer parler de "vocation maternelle", ... du moins tant que celle-ci n'est pas vue comme inscrite dans les gènes de nos maman.


Les critiques de Badinter, sa conviction qu'il existe un dogme déterministe et biologique bien trop simpliste m'a aidé à clarifier ma propre pensée. De ce point de vue, nous pouvons apprendre l'une de l'autre. Une grande partie du problème vient de la façon dont le terme "instinct maternel" a été utilisé. Allez, j'avoue, ce paragraphe n'est pas de moi. C'est encore une citation de S.Hrdy, que je ferais volontiers mienne.

Mais faut-il encore renvoyer dos à dos ces deux féministes, l'une biologiste l'autre philosophe, ou ne peut-on souhaiter qu'elles échangent plus souvent ?

Ce texte est aussi consultable sur mediapart. Le 17-02-2010

En chantier

J'ai constaté que quelques personnes visitent cette page, et comme il me semble que beaucoup n'a pas été dit autour de l'instinct, maternel ou pas, je m'y suis attelé pour au moins ce que j'en sais et qui ne semble pas très connu. Pour être tout à fait utile ce texte devra intégrer quelques références bibliographiques ce qui sera fait dans les jours qui viennent. Plouhinec le 18 mai 2010


L'instinct : mythe, réalité, etc,...

Quelques trente années après "l'amour en plus", Elisabeth Badinter revient à la charge. Dans son dernier ouvrage, "le conflit", elle dénonce "l'idéologie naturaliste" et "l'instinct maternel" convoqués pour influencer les mères et parents d'aujourd'hui sur la meilleure façon d'élever leurs bébés. Et elle a doublement raison :

  • Tout d'abord parce que, comme elle le dit si clairement, "la femme n'est pas une femelle chimpanzé".
  • Deuxièmement parce que la conception de l'Instinct qu'elle vise, et qui reste la plus répandue, renvoie à l'éthologie de Konrad Lorenz, son auteur malencontreusement le plus connu du grand public

Comme éthologue et évolutionniste, c'est par ce deuxième point que je commencerai, car cette théorie des années 30 aujourd'hui dépassée, a été invalidée par "l'éthologie causale" qui, depuis plus de cinquante ans a pu successivement s'appuyer sur l'endocrinologie, la neurobiologie et enfin les biologie et génétique moléculaires pour livrer une conception des comportements dits instinctifs plus élaborée. La notion d'instinct est très ancienne et jusqu'au XIXème siècle avant la naissance de la génétique les naturalistes, parmi lesquels Darwin lui-même, l'ont régulièrement utilisée pour désigner certains comportements animaux et conduites humaines.

Au cours des années 1930 donc, Konrad Lorenz (avec Niko Tinbergen autre père de l'éthologie) propose une théorie de l'instinct autour de deux caractéristiques: la spécificité et la transmission héréditaire de certains comportements. Par exemple le comportement particulier présenté par chaque espèce pour se reproduire ou élever ses jeunes. Mais à cette définition, toute descriptive, la nouvelle théorie ajoute plusieurs propriétés: les instincts sont (i) innés, (ii) non appris, (iii) enfin, seulement disponibles à des phases précises du développement de l'individu, ils dépendent d'une énergie interne nommée "motivation".

Il convient ici de rappeler que ces notions d'inné et d'acquis, sont introduites par Francis Galton (sous les formes anglaises de "nature" et "nurture") dès la fin du XIXème siècle, c'est à dire avant la création de la génétique (1). Mais l'entre deux guerres du XXème siècle est l'époque du développement de la génétique pendant laquelle les sommités de la discipline fournissent les gros bataillons des "sociétés pour l'eugénisme" (2). Alors que "héréditaire" (inherited) et "contrôlé génétiquement" (genetically controled) commencent à être allégrement confondus, que toute caractéristique apparemment héritée (de "l'idiotie", au "vol" et jusqu'à "la maternité hors mariage" ! 3) est susceptible de donner lieu à des mesures eugénistes, la théorie de l'instinct proposée par Lorenz et Tinbergen est simplement dans l'air du temps.

On attendra donc 1953 pour que soit publiée "une critique de la théorie du comportement instinctif de Konrad Lorenz" (4). Son auteur, Daniel Lehrman, synthétise sa critique en deux phrases: "Toute théorie qui considère l'instinct comme immanent, préformé, héréditaire ou dépendant de structures nerveuses spécifiques court-circuitera l'analyse et l'étude des problèmes liés au développement du comportement. Toute théorie de ce genre tend inévitablement à détourner l'attention des chercheurs envers les interactions internes à l'organisme et les interactions entre l'organisme et l'environnement qui forment la base du développement du comportement "instinctif".

(4 "Any instinct theory which regards "instinct" as immanent, preformed, inherited, or based on specific neural structures is bound to divert the investigation of behavior development from fundamental analysis and the study of developmental problems. Any such theory of "instinct" inevitably tends to short-circuit the scientist's investigation of intraorganic and organism-environment developmental relationships which underlie the development of "instinctive" behavior.")

Lehrman ne s'avance pas à la légère: Lorsqu'il publie son article il travaille encore à sa propre thèse (consacrée au comportement, ou instinct, reproducteur de la tourterelle) qui est une minutieuse mise à l'épreuve expérimentale de ses idées ( 5 On peut aisément s'en rendre compte à lecture parallèle de sa critique et du résumé de ses résultats). La critique est rude mais son principal intérêt réside en ce qu'elle propose une méthode nouvelle pour l'étude des comportements dits "instinctifs".

Et les années 60 et 70 confirment la valeur opérationnelle des propositions de Lehrman: les comportements reproducteurs d'oiseaux, de mammifères et aussi d'insectes (pourtant réputés de simples "automates génétiques") sont abordés avec succès du point de vue de leur développement et de leur construction: les interactions neuro-endocriniennes, internes à l'organisme et d'autres entre l'organisme et son environnement (incluant partenaires et jeunes, compris alors comme stimuli motivationnels) rendent compte du bon déroulement de ces séquences comportementales, sans intervention d'un quelconque programme génétique. L'organisation du comportement se réalise à un niveau d'intégration où les gènes n'ont pas de rôle directeur, ni celui de plan d'architecte, ni celui de programme informatique, pour reprendre les métaphores les plus employées par les "instinctivistes".

C'est en ce sens que les comportements instinctifs ne sont pas innés, ni programmés génétiquement et qu'ils sont, sinon acquis (au sens où ils ne dépendent pas systématiquement d'apprentissages) au moins constamment dépendants et liés aux conditions externes. Dans cette construction comportementale chaque étape fournit les conditions de réalisation de l'étape suivante. Enfin c'est à travers ces interactions que les motivations se construisent aussi, pas à pas: Par exemple c'est l'allongement de la durée du jour de la fin d'hiver qui stimule la mise en place de la motivation reproductrice des oiseaux, mais ce sont les interactions avec le nid, puis avec les oeufs, qui maintiennent cette motivation (6).

Pour utiliser une terminologie un peu plus précise que les notions d'inné et d'acquis, on dira que les comportements dits instinctifs sont une partie du phénotype de chaque organisme. Et s'ils n'ont pas un "déterminisme génétique", ils dépendent de déterminants internes, parmi lesquels les gènes bien entendu, en interaction permanente avec des déterminants externes. C'est bien en étudiant le développement du comportement (ou, mieux, le comportement pris comme un développement) qu'on réalise le mieux la limite et la faiblesse théorique d'une approche en termes d'inné et d'acquis. Disons que ces notions ont épuisé leur valeur explicative et gardons les pour l'histoire.

On voit bien l'erreur et l'injustice qu'il y aurait, en oubliant ces critiques et ces résultats, à confondre l'éthologie avec la théorie de Lorenz son fondateur. En effet l'éthologie causale et la somme de données empiriques qu'elle propose depuis des dizaines d'années, s'appuie sur une remise en cause de la théorie de l'instinct qu'on qualifiera de lorenzienne dès lors que Tinbergen lui-même s'en est éloigné avec ses élèves comme Hinde.

Désormais seul avec quelques élèves Lorenz maintiendra l'essentiel de ses positions jusque dans un dernier essai (6) dont l'argumentaire strictement théorique et abstrait ne pouvait convaincre. Et surtout pas Lehrman lui-même, que Lorenz s'entêtait contre toute vraisemblance à présenter comme un "béhavioriste" ou un "environnementaliste". Cette attitude de Lorenz amènera Lehrman à écrire une réponse (1970) où il reprenait son argumentation de 1953, la faiblesse des arguments de Lorenz et où il soulignait, au passage qu'il n'avait jamais été qu'un naturaliste et un évolutionniste convaincu (7 note sur les autres. Hebb). La communauté des éthologues s'était donc largement habituée à ne plus utiliser les références instinctivistes et lorenziennes, lorsque celles-ci furent remises à l'honneur par les "socio-biologistes" qui se préoccupaient avant tout de l'évolution du comportement. En pleine période de domination de la "génic sélection"(8), ils avaient besoin d'un modèle simple du comportement pour expliquer son évolution: (citation de John Mainard-Smith. voir aussi Michel Veuille.) Les artisans de l'éthologie causale étaient naturellement de ceux qui devaient s'en émouvoir ( 9 voir la revue multiple du livre "sociobiology" publiée dans "Animal Behaviour") beaucoup d'autres biologistes, parmi lesquels les généticiens moléculaires, ne trouvant au contraire dans ce retour de l'instinctivisme que le confort d'une pensée réductionniste, directement accessible. Comment pouvait-il en être autrement alors qu'eux mêmes se consacraient à la chasse au gène du crime, de l'homosexualité ou de la schizophrénie ?

Toujours est-il que la socio-biologie naissante a joué sa part dans le maintien dans le grand public de la représentation simple d'un comportement instinctif "inscrit dans les gènes", ... et la difficulté pour beaucoup d'anthropologues d'admettre la présence de comportements dits instinctifs dans l'espèce humaine. Il parait important de répéter qu'il existe aussi en l'éthologie une approche non essentialiste, non préformationniste, pour tout dire non instinctiviste des comportements dits instinctifs des animaux. Les animaux ont une ontogenèse, leurs comportements en font partie, et certains éléments de l'environnement individuel sont intégrés à cette ontogenèse.

C'est pourquoi même si Elisabeth Badinter a bien raison de critiquer le dogme du déterminisme biologisant, réductionniste, pour ce qu'elle nomme la "vocation maternelle" d'Homo sapiens, on peut regretter qu'elle ne rappelle pas que la critique de ce dogme est valable pour les autres animaux. Certes ce point semble d'abord incomber aux éthologues (et c'est bien pourquoi j'ai écrit ce texte) mais il parait d'autant plus important que nous ne pouvons oublier qu'Homo sapiens est un animal, un mammifère, un primate et que sa manière d'élever ses jeunes doit être comprise, aussi, comme un prolongement évolutif de la manière dont s'y prennent les autres mammifères.

Avec la position constructiviste de Lehrman, rien ne permet de penser que l'espèce Homo sapiens présente un instinct maternel "inné", "inscrit dans ses gènes", que sais-je encore? Avec l'analyse du développement, ou ontogenèse, des comportements c'est au contraire la multiplicité des niveaux d'interaction internes à l'organisme qui est dévoilée. En même temps c'est le passage d'une causalité linéaire classique (par exemple: " Le déterminisme génétique") à une causalité multiple, en réseau (par exemple: L'association de déterminants génétiques et de stimuli externes dans la motivation nidificatrice) qui s'opère lorsqu'on quitte les modèles instinctivistes classiques pour passer aux conceptions constructivistes (ou émergentistes) du comportement.

Maintenant, sauf à invoquer une essence humaine, dont la nature et l'origine resteraient problématiques, comment comprendre non pas que l'homme "descend" du singe mais qu'il "est" un singe ? Comment oublier que la lactation reste au coeur de la maternité humaine ? En clair Elisabeth Badinter ne s'oppose-t-elle pas au point de vue évolutionniste, en affirmant que "la femme n'est pas une femelle chimpanzé"? Il faut bien admettre que, parmi les nombreuses autres questions qu'il lui faut résoudre, l'évolutionnisme darwinien moderne rencontre celle de l'origine de l'espèce Homo sapiens. Il ne fait aucun doute que cette origine est située dans le rameau évolutif des primates et que la recherche actuelle sur l'hominisation consiste à comprendre comment cela a pu se passer, notamment par sélection naturelle. C'est ici que l'affirmation d'Elisabeth Badinter est peut-être difficile à accepter pour certains évolutionnistes. En effet depuis quelques temps il est de bon ton, et notamment en éthologie de présenter et médiatiser les découvertes sur les primates avec des termes empruntés à la société et à la culture humaine et ce jusqu'au terme de culture lui-même qui serait présent chez diverses espèces, chimpanzés notamment. Il est bien difficile de juger jusqu'où ces auteurs (Franz De Waal en est l'exemple type) sont pris au piège de leur habitude, mais sa conséquence directe est la négation a priori de toute spécificité humaine, argumentée ensuite de manière souvent discutable et quelquefois contre l'évidence. Cette position est d'autant plus suspecte quand elle rencontre l'a priori continuiste de certains évolutionnistes, qui ne voient pas de rupture qualitative entre homo sapiens et les autres animaux.

Dire que "la femme n'est pas une femelle chimpanzé" rejoint plutôt une position "discontinuiste", qu'il faut bien entendu assumer de ce point de vue évolutionniste. Pour l'instant notons simplement, au sein du groupe des singes anthropoïdes, la position très isolée de l'espèce Homo sapiens, à la suite de l'extinction des autres espèces du genre Homo apparues avant elle ! (Ceci explique qu'en matière d'humanisation on doit attendre au moins autant, sinon plus, de la paléontologie que de l'éthologie comparée).

Mais pour ne pas nous égarer voyons plutôt si la conception du comportement que nous venons de visiter peut venir en soutien de l'affirmation d'Elisabeth Badinter et pour cela revisitons la notion de sélection naturelle.

On dit couramment que les êtres vivants sexués transmettent leurs gènes à leurs descendants et il est aussi admis que ce sont les gènes qui sont sélectionnés au cours de l'évolution. Dans ces raccourcis, qui ne sont pas seulement didactiques et que tout bon biologiste emprunte couramment, on oublie de considérer que la sélection naturelle ne consiste pas seulement en un tri de gènes mais qu'elle est d'abord un processus dont ce tri n'est qu'un aspect, son aboutissement, mais seulement la conséquence de ce processus. On ne considère que rarement les pressions de sélection, extérieures à l'organisme et qui pèsent sur lui.. C'est la composition des pressions de sélection qui influence le nombre des descendants de cet organisme, c'est à dire du point de vue de l'adaptation néo-darwinienne, le taux de multiplication de ses gènes. "La sélection (ses pressions) ne voit pas les gènes", disait Stephen Jay Gould. La "valeur sélective" des gènes s'établit par l'intermédiaire de l'organisme dont ils sont en partie "responsables" (puisque, répétons le, le phénotype qu'est l'organisme a pour déterminants les gènes et les circonstances extérieures avec lesquelles il interagit. Le comportement, on l'a vu aussi, n'est qu'une part de ce phénotype). La valeur sélective des gènes ne représente donc pas leur valeur propre et unique mais, en creux, celle des interactions qu'ils ont pu avoir avec le milieu en quelque sorte "validées" lors de la production de la génération fille. Il ne faut donc pas trop s'étonner que le moment venu les "organismes-descendants", puissent rencontrer dans leur environnement les stimulations qui permettent l'émergence de leurs "instincts", plus prévisibles que prédéterminés. La reproduction différentielle de certains gènes, qui fait l'évolution, c'est aussi la prime donnée aux interactions, y compris avec le milieu, et aux émergences auxquelles ils ont participé). Comme il n'existe pas de milieu sans organismes, il n'y a pas d'évolution des organismes sans évolution de leur environnement et c'est à une coadaptation organisme-milieu particulière qu'on a affaire pour chaque espèce. (10 la triple hélice).

Il ne viendra à l'idée de personne de nier que le jeune humain, que nous appelons bébé, se développe dès la conception dans des conditions environnementales très particulières, où langage et culture sont omniprésents. Dans les mois qui suivent sa naissance ce bébé, devenu Bébé, apprendra spontanément, sans aucun dispositif expérimental, le langage humain; et s'il est sourd il apprendra quand même ce langage, sans parler. Naturellement il s'alimentera comme tous les autres mammifères, il s'agrippera à sa mère dans les premiers temps, comme les autres singes. Mais il est le seul nouveau né de toute la biodiversité à apprendre à communiquer avec ses congénères au moyen du langage symbolique qu'il acquiert dés ses premiers mois de vie extra-utérine. Il est adapté à un milieu particulier que j'appellerai "la culture humaine". Sans elle, par exemple, il ne parlera pas; et comment le pourrait-il ? Et pour souligner le caractère singulier de cette coadaptation entre culture et humain, il suffit de se reporter à ces expériences où de jeunes chimpanzés ont été élevés en milieu humain aux fins d'observer leurs acquisitions, langagières notamment. Les limites de leur succès expliquent largement leur abandon. Les inventions indéniables de certaines espèces de primates, qu'elles soient outils ou du domaine de la communication inter-individuelle, ne relèvent ni de la culture ni du langage tels qu'on les entend chez l'homme.

Pied de nez à Francis Galton, il semble bien que l'espèce Homo sapiens soit la seule pour qui l'équation inné-acquis s'écrive "NATURE = CULTURE" ! , maternité incluse naturellement, ...

(1) Pour une présentation des idées de ce père de l'eugénisme voir l'article de Charles Lenay: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1994_num_6_1_2393

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