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(Konrad Lorenz et le National Socialisme": De la controverse à l'histoire des sciences)
(Konrad Lorenz et le National Socialisme": De la controverse à l'histoire des sciences)
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  "A critique of Konrad Lorenz's  theory of instinctive behavior." http://instruct1.cit.cornell.edu/bionb424/Readings/Lehrman_1953.pdf  
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   Pour une histoire de cette présentation du texte de Lorenz de 1940,  voir la note biographique de Lehrman  par J. S.  Rosenblatt: http://www.nap.edu/readingroom.php?book=biomems&page=dlehrman.html   
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  " Durch Domestikation verurrsachtebStörungen arteigenen Verhaltens" Zeitschrift für  angewandte Psychologie und Charakterkunde  (1940) 59: 2-81.
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(3) "Durch Domestikation verurrsachtebStörungen arteigenen Verhaltens". Zeitschrift für  angewandte Psychologie und Charakterkunde  (1940) 59: 2-81.
   
   
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  "On aims and methods of Ethology". Zeitschrift für Tierpsychologie  (1963) 20: 410-433. http://www.rockefeller.edu/bard/pdf/week_02_tinbergen_on_aims_and_methods_of_ethology_zft_1963.pdf
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(4) "On aims and methods of Ethology". Zeitschrift für Tierpsychologie  (1963) 20: 410-433. http://www.rockefeller.edu/bard/pdf/week_02_tinbergen_on_aims_and_methods_of_ethology_zft_1963.pdf
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     "The Human Nature of Human Nature". Science, 14 April 1972: 123-128.
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(5) "The Human Nature of Human Nature". Eisenberg Léon. Science, 14 April 1972: 123-128.
   Autobiographie de Konrad Lorenz disponible sur le site du comité Nobel. http://nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/laureates/1973/lorenz-autobio.html
   Autobiographie de Konrad Lorenz disponible sur le site du comité Nobel. http://nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/laureates/1973/lorenz-autobio.html

Version du 19 février 2011 à 11:20

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Michel Vancassel


Sommaire

Michel Vancassel

Chercheur CNRS honoraire, Ethologiste et Evolutionniste

associations

  • les petits débrouillards bretagne
  • commission "culture scientifique et technique" de l'université de Rennes1
  • fondation "Sciences Citoyennes"
  • association française pour le Mouvement Universel de la Responsabilité Scientifique (MURS)

Activités actuelles:

  • Suivi de l'expérimentation des "Séminaires d'exploration de controverses" dans le cadre du programme "appropriation sociale des sciences" de la région Bretagne.
  • Conférences et débats à la demande : (Année Darwin par exemple).

Dernières interventions:

  • "Pourquoi la théorie de l'évolution fait-elle (encore) peur ?" (CRDP Nantes, nov. 2008)
  • "Evolution, sélection naturelle, etc" (réunion des animateurs "Ptits-Debs", fev.2009)
  • "Réchauffement Climatique et Biodiversité" (maison d'arrêt de Ploemeur, mars.2009)
  • "Quelle société de la connaissance ?" (devant des élèves ingénieurs, local PD Brest, mars.2009)
  • "Cinq sens ou plus ? " (Maison de la baie, au CAP à Plérin, avril 2009)
  • Darwin et la théorie de l'évolution: café des sciences (CCAS, Fouesnant, juillet 2009)
  • Darwin au coeur des débats (avec JS Pierre) : café des sciences (St Brieuc, novembre 2009)
  • Enseigner la théorie de l'évolution (débat, avec PH Gouyon) (IUFM St Brieuc, novembre 2009)
  • Animal-Homme, continuité et discontinuité (Ploufragan, novembre 2009)
  • La biodiversité (Plonevez-Porzé, Morgat, ...) cafés de sciences, aout 2010)

Articles:

A la découverte de la culture scientifique (2006)

L'instinct maternel existe-t-il ?

Les déclarations récentes d'Elisabeth Badinter à propos des conduites maternantes chez les femmes ont suscité de nombreuses réactions, souvent négatives, et la primatologue Sarah Hrdy, auteur d'une somme sur ce qu'il est convenu d'appeler "les instincts maternels", a même été convoquée pour dire ce qu'elle en pensait.

La présentation de cette discussion à distance reprend comme titre l'affirmation de S. Hrdy: "Le comportement maternel a une base biologique" (Bibliobs) tandis que l'interview d'E.Badinter dans le "Nouvel Obs" est introduite sous le titre "La femme n'est pas un chimpanzé". "Discussion" bien mal partie ? On pourrait le craindre et les réactions de nombreux lecteurs, pour l'une contre l'autre, laissent à penser qu'ils sont tombés dans le piège de la sempiternelle opposition "nature-culture" qui commence par celle de "l'inné-acquis".

L'INSTINCT: Ce terme présente la difficulté d'être employé par tout le monde et dans des acceptions très différentes. En éthologie (étude du comportement animal) même il a été longtemps utilisé pour désigner les comportements considérés comme strictement déterminés génétiquement (K. Lorenz), jusqu'à ce que l'on pense à poser la question "how an instinct is learned ?" (J. Hailman). Dire d'un instinct qu'il existe ou pas, dépend tout d'abord de l'idée que l'on s'en fait ! S.Hrdy, qu'on se rassure, prend la précaution de souligner la complexité des comportements dits "instinctifs". Et si elle répète que le comportement maternel a des bases biologiques c'est pour mieux insister sur ses autres déterminants. Toutes choses que pas mal de gens comprennent aujourd'hui,...

L'HUMAIN: Après l'année consacrée à Darwin et à sa théorie de l'évolution biologique, bien peu de personnes ignorent qu'"Homo sapiens" est une espèce de mammifère (dont la lactation est une des caractéristiques), un primate (c'est à dire un singe) dont la parenté évolutive avec le chimpanzé semble définitivement établie. E. Badinter ignore-t-elle, ou nie-t-elle cela lorsqu'elle dit "La femme n'est pas un chimpanzé"? Ou, plutôt, veut-elle dire que la femme n'est pas seulement un chimpanzé et que l'espèce Homo sapiens est un singe très particulier ? L'affinité évolutive de deux espèces, aussi grande soit-elle, ne garantit pas leur continuité comportementale. La culture, la morale, le langage, proprement humains, ne transforment-ils et n'enrichissent-ils pas nos comportements "à base biologique" ? Et si, avant même sa naissance, les parents du jeune humain lui choisissent un nom, dira-t-on pour autant que ce prénom est inné ?

Voici deux citations tirées de la "réponse" de S. Hrdy à E. Badinter. Tout d'abord, "Les comportements complexes comme le maternage ne sont jamais totalement prédéterminés génétiquement ni produits par le seul environnement." Où voyez vous là que Hrdy réfute l'hypothèse de la "mère socialement construite", ... sur une base biologique bien entendu ?

Enfin, "Dans mon pays, je m'inquiète beaucoup du devenir de la révolution féministe, tout comme Elisabeth Badinter le fait elle-même. Mais ma plus grande peur est que, en tant que société, nous perdions l'art d'élever des enfants, et avec lui beaucoup de qualités humaines comme l'empathie, la conscience, le soin aux autres qui se développent au cours du maternage de l'enfant..." Et puisque S.Hrdy parle de "l'art d'élever les enfants", peut-on reprocher à E.Badinter de préférer parler de "vocation maternelle", ... du moins tant que celle-ci n'est pas vue comme inscrite dans les gènes de nos mamans.


Les critiques de Badinter, sa conviction qu'il existe un dogme déterministe et biologique bien trop simpliste m'a aidé à clarifier ma propre pensée. De ce point de vue, nous pouvons apprendre l'une de l'autre. Une grande partie du problème vient de la façon dont le terme "instinct maternel" a été utilisé. Allez, j'avoue, ce paragraphe n'est pas de moi. C'est encore une citation de S.Hrdy, que je ferais volontiers mienne.

Mais faut-il encore renvoyer dos à dos ces deux féministes, l'une biologiste l'autre philosophe, ou ne peut-on souhaiter qu'elles échangent plus souvent ?

Le 17-02-2010

L'instinct: entre éthologie et évolution

Constatant que cette page est visitée, j'ai entrepris d'expliciter le petit texte qui précède. Ceci m'a amené à parler "éthologie" et "évolution" plus que je ne l'aurais pensé et à rappeler quelques discussions importantes, ignorées du grand public et quelquefois oubliées par les biologistes.

Je remercie tous les collègues qui m'ont nourri de leurs textes, conférences et suggestions. Tout particulièrement Jacques Gervet et Jean-Marie Vidal qui m'ont, durant l'année 2009, associé à leur discussion "informeltique" sur le thème de l'évolution de l'homme (Les deux ont des textes qui abordent la question, en cours de publication). Je n'ai pas toujours suivi leur point de vue. Naturellement toute autre critique sera bienvenue.

Pour la version actuelle (septembre 2010) de ce texte voir:

http://ecobio.univ-rennes1.fr/Fiches%20perso/MVancassel/note_080910.pdf

Konrad Lorenz et le National Socialisme": De la controverse à l'histoire des sciences

Dans le texte précédent, consacré à l'instinct, j'ai mentionné au passage la dimension idéologique des théories de Lorenz. J'essaie ici de réparer ce manque après avoir constaté que Wikipedia (édition française) restait particulièrement pauvre sur le sujet et alors que de nombreux historiens des sciences ont énormément apporté sur le sujet depuis les années 1970. Ceci est donc une tentative de présentation de quelques uns de ces travaux. Je remercie tout particulièrement Jean-Marie Vidal qui a su retrouver dans ses archives la pétition de 1973, publiée par Le Monde au moment de l'attribution du prix Nobel à Konrad Lorenz. février 2011.


Konrad Lorenz et le National-Socialisme: De la controverse à l'histoire des sciences.

La controverse sur Konrad Lorenz a tout d'abord porté sur la valeur scientifique de ses théories plus que sur son "affiliation nazie" et c'est, bien naturellement, au sein de la communauté naissante des éthologistes que la discussion s'est engagée. "Une critique de la théorie du comportement instinctif de Konrad Lorenz ", publiée dans la "Quartely Review of Biology" en 1953, fait date . Son auteur, Daniel Lehrman, y présente les faiblesses de la théorie lorenzienne sur les "instincts" (critique de la notion d'innéité et du préformationnisme "instinctiviste", des comparaisons entre espèces de niveaux phylogénétiques différents, de la réification de l'instinct, de l'absence d'étude du développement). Dans un court passage il critique aussi la mise en correspondance par Lorenz des comportements animaux et humains et souligne l'utilisation idéologico-politique qui en est faite. Lorenz, dit-il, franchit une étape supplémentaire ("the interpretation of human behavior in terms of physiological theory based on lower levels is carried one step further") lorsqu'il identifie les effets de la civilisation sur les êtres humains à ceux de la domestication sur les animaux ("Lorenz (1940) equates the effects of civilization in human beings with the effects of domestication in animals."). Interprétation présentée, note Lehrman, dans un contexte de justification scientifique de restrictions légales, dans l'Allemagne de1940, contre le mariage entre Allemands et non Allemands ("presented by Lorenz in the context of a discussion of the scientific justification for the then existing (1940) German legal restrictions against marriage between Germans and non-Germans.") .

La boite de Pandore est ouverte, mais dans les colloques des années suivantes, seuls les arguments pour ou contre les conceptions instinctivistes de Lorenz sont présentés. Leur application à l'espèce humaine et leur présentation en faveur de la politique "d'hygiène raciale" du Troisième Reich sont éludées. En 1963, Nikolaas Tinbergen dans son fameux article "On aims and Methods of Ethology" , dédicacé à Lorenz pour son 60ème anniversaire, reprend à son compte les critiques de Lehrman: il souligne la faible valeur explicative de la notion d'innéité et propose de faire de l'étude du développement du comportement une composante à part entière de l'éthologie alors en plein essor. Le débat et surtout les études nouvelles sont centrés autour de l'abandon des métaphores, analogies et intuitions de l'éthologie qui ont couru jusque là. Si la communauté éthologiste reste à peu près muette sur la dimension idéologique des articles de Lorenz publiés sous l'ère Nationale Socialiste, l'anthropologue Léon Eisenberg écrit dans Science : Les théories faisant des instincts les fondements du comportement humain ne respectent pas les résultats de la bio-psychologie développementale . ("Theories that human behavior is based on instincts violate the findings of developmental biopsychology.") et rappelle comment ces mêmes théories ont servi de couverture pseudo-scientifique à l'idéologie raciste nazie.

L'annonce de l'attribution du prix Nobel de médecine à Lorenz renouvelle le débat. Par exemple en France, le texte de deux cent vingt quatre signataires, pour la plupart appartenant au personnel de la recherche scientifique est publié dans le journal "Le Monde" daté du 11 décembre 1973 (page 15). Cette pétition déclare: "Il parait inadmissible qu'un homme qui s'est moralement solidarisé avec l'idéologie qui a conduit au crime de génocide se trouve, aujourd'hui, auréolé d'un prestige moral aussi important" et les signataires considèrent "comme indispensable que M Konrad Lorenz, lors de son discours d'acceptation du prix Nobel, prenne position sur les idées racistes qu'il a exprimées, (qu')il se le doit à lui-même, à toute la communauté scientifique, au prestige du prix Nobel et au public qui lui accorde le respect et la confiance attachée à cette distinction". Ce ne fût sans doute pas la seule pression exercée sur Lorenz, mais elle était particulière. Vingt ans après l'intervention de Lehrman c'était une partie de la communauté scientifique qui l'interpelait, publiquement cette fois, moins sur ses théories que sur leur exploitation idéologique. Lorenz se pliera à l'exercice tout en restant maître de ses "révélations". Dans un bref paragraphe de son autobiographie pour le Nobel , il plaide la naïveté envers les nouveaux maitres nazis ("I did, indeed, believe that some good might come of the new rulers") et/mais aussi qu'il craignait alors - comme maintenant - que des processus de détérioration génétique pourraient être activés avec la civilisation. ("I was frightened - as I still am - by the thought that analogous genetical processes of deterioration may be at work with civilized humanity."). S'il avoue son engagement eugéniste négatif, pour une détection et une sélection de tous ceux qu'il était convenu, en Allemagne nazie, de nommer des "asociaux" , il se démarque clairement de leur élimination physique et de leur meurtre ("None of us as much as suspected that the word "selection", when used by these rulers, meant murder"). Il termine ce paragraphe en regrettant surtout que ses écrits passés pourraient affecter la reconnaissance future des dangers de la domestication. ("I regret those writings not so much for the undeniable discredit they reflect on my person as for their effect of hampering the future recognition of the dangers of domestication."). Ainsi en 1973 Lorenz réaffirmait son attachement à sa théorie de la domestication (alors que sa mise en cause par la génétique des populations était largement connue, au moins par les biologistes) qui lui avait inspiré ses "prescriptions" eugénistes des années 40,...

Les liens entre les théories de Lorenz et son engagement idéologico-politique n'ont été dévoilées que progressivement et tardivement, après sa réception du prix Nobel de médecine et après la publication du livre qu'Alec Nisbett lui a consacré . L'affiliation nazie de Lorenz n'y était pas escamotée mais présentée à partir du seul article de 1940 (déjà cité par Lehrman et Eisenberg) avec les commentaires a posteriori et les dénégations de Lorenz. Les silences et les atténuations de cette biographie appelaient des études historiques plus informées et distantes. La première d'entre elles, de Theodora Kalikow , s'attache notamment à démontrer les connections entre l'idéologie nazie et les théories de Lorenz (rattachement au courant eugéniste, "biologisation" de la société, superposition de la notion de peuple avec celles d'espèce et de race, notion "d'hygiène raciale" et causes de sa "dégénérescence"). Kalikow en déduit un processus de légitimation réciproque dans lequel les Nazis apportent une puissance politique à des idées déjà présentes dans les conceptions générales de Lorenz. ("process of reciprocal legitimation, whereby the Nazis lent political power to ideas which where already part of Lorenz's world view."). Suivent des études d'archives révélant les activités plus directement idéologiques et politiques de Lorenz . Ainsi sont successivement confirmées ou dévoilées, son adhésion au parti national socialiste immédiatement après l'annexion de l'Autriche en 1938, son activité comme membre du "département de politique raciale" du parti (conférences et publications), sa participation (en 1943, à Poznan, dans l'ouest de la Pologne déjà germanisée) à un programme impliquant des expertises raciales pour la sélection de Polonais et de Polonais d'ascendance allemande .

En 2005, Richard Burkhardt intègre toutes ces données dans une magistrale histoire de l'éthologie . De nombreuses correspondances entre scientifiques (Lorenz, Koelher, Tinbergen, Mayr, ...) depuis les années 1930, lui permettent de restituer les projets, les contacts, les méthodes de travail, jusqu'aux réactions de Lorenz aux événements. Par exemple, dans une lettre à Oskar Heinroth, lors de la déclaration de guerre de la Grande Bretagne à l'Allemagne, Lorenz écrit: "Du pur point de vue biologique de la race, c'est un désastre de voir les deux meilleurs peuples germaniques du monde se faire la guerre pendant que les races non blanches, noire, jaune, Juive et mélangées restent là en se frottant les mains de joie". ("from the purely race biological standpoint", it was a shame to have the two best "german peoples" of the world at war with each other while the "nonwhite, black, yellow, Jewish and mixed races" stood by, rubbing their hands with glee.") Ou encore, en 1938, dans sa demande d'adhésion au parti: "Comme penseur et scientifique j'ai toujours été spontanément national socialiste" ("I was as a German thinker and scientist naturally always National Socialist.") . Lorenz a déclaré avoir pris conscience étonnement tard ("surprisingly late") du meurtre des asociaux et semble être resté dans le rejet d'une quelconque responsabilité, directe ou indirecte, dans le génocide nazi. Burkhardt, lui, montre comment l'idéologie de Lorenz et son "opportunisme amoral" ont fait de lui un "compagnon" des Nazis.

Ce cas emblématique des relations entre science, idéologie et politique participe à l'effondrement du mythe d'une science neutre et renvoie, aujourd'hui, à la notion de "responsabilité sociale des scientifiques" et à l'éthique du chercheur. Au-delà, c'est aussi la légitimité d'une critique des sciences qui s'est imposée. Ainsi François Jacob , autre prix Nobel de médecine, écrit: "A l'époque du génie génétique, du projet sur le génome humain, des recherches sur l'embryon, de la sociobiologie, il n'est pas possible d' oublier. Il n'est pas possible de faire comme si rien ne c'était passé dans les camps de l'Allemagne nazie. Ce qui importe ici, ce n'est pas le rôle du médecin qui faisait ce qu'il appelait des "expériences" dans ces camps. C'est celui du scientifique qui en avait inspiré la théorie. C'est la responsabilité de ceux qui ont avancé le corps de doctrine sur quoi s'est fondée la version la plus grossière du déterminisme biologique. Avec la sagesse que donne le recul du temps, il est facile aujourd'hui de décider que la plupart des idées qui ont inspiré le mouvement eugéniste étaient injustifiées. Et pourtant, nombre de ses partisans étaient des hommes de science parfaitement respectables qui pensaient agir dans l'intérêt public. Alors où est l'erreur? L'erreur, c'est que ce ces hommes n'ont pas considéré de façon suffisamment critique la notion même d'eugénisme et ce qu'elle impliquait. En particulier, ils n'en ont pas évalué correctement les conséquences sociales. Le danger pour le scientifique, c'est de ne pas mesurer les limites de sa science, donc de sa connaissance. C'est de mêler ce qu'il croit et ce qu'il sait. Et surtout c'est la certitude d'avoir raison".

Ce verdict de Jacob présente l'inconvénient de passer sur l'histoire, toujours plus compliquée, des hommes et des circonstances qu'ils ont rencontrées. Benno Mülller-Hill déclare pour sa part: "Il ne peut y avoir de réconciliation dans la science - mais elle peut exister chez des êtres humains jouissant des mêmes droits." Le livre de Burkhardt est, sur ce point encore, tout à fait éclairant lorsqu'il décrit les parcours scientifiques divergents de Lorenz et de Tinbergen après la deuxième guerre mondiale: Tinbergen, anti-nazi, qui avait passé une bonne partie de la guerre dans un camp d'otages pour son opposition aux mesures anti-juives de l'occupant en Hollande, avait finalement repris contact avec son ami Lorenz. Mais à partir de 1953, tandis que Lorenz restait, globalement, sur ses premières positions instinctivistes , Tinbergen rejoignait les analyses et critiques de Lehrman, comme on l'a vu plus haut, comme s'il avait fait sienne la recommandation de Bertolt Brecht: "On n'aurait aucune peine et on aurait grand avantage à représenter la science comme un effort pour découvrir et démontrer le caractère non scientifique des affirmations et des méthodes scientifiques" .


(1) "A critique of Konrad Lorenz's theory of instinctive behavior." http://instruct1.cit.cornell.edu/bionb424/Readings/Lehrman_1953.pdf

(2) Pour une histoire de cette présentation du texte de Lorenz de 1940, voir la note biographique de Lehrman par J. S. Rosenblatt: http://www.nap.edu/readingroom.php?book=biomems&page=dlehrman.html

(3) "Durch Domestikation verurrsachtebStörungen arteigenen Verhaltens". Zeitschrift für angewandte Psychologie und Charakterkunde (1940) 59: 2-81.

(4) "On aims and methods of Ethology". Zeitschrift für Tierpsychologie (1963) 20: 410-433. http://www.rockefeller.edu/bard/pdf/week_02_tinbergen_on_aims_and_methods_of_ethology_zft_1963.pdf

(5) "The Human Nature of Human Nature". Eisenberg Léon. Science, 14 April 1972: 123-128.

 Autobiographie de Konrad Lorenz disponible sur le site du comité Nobel. http://nobelprize.org/nobel_prizes/medicine/laureates/1973/lorenz-autobio.html
 Globalisation utilisée par les Nazis dans leurs déclarations publiques pour désigner tous ceux qu'ils souhaitaient éliminer du peuple allemand, pour des raisons supposées génétiques. Cette euphémisation disparait dans plusieurs  écrits privés de Lorenz: voir ci-dessous lettre à Heinroth.      
  Comparant les relations qu'un peuple entretient avec ses  membres "asociaux" à celles qu'un organisme entretient  avec des cellules cancéreuses  Lorenz écrivait: "Par chance leur élimination (des asociaux) est plus facile pour le médecin du peuple et moins dangereuse pour l'organisme de la collectivité que l'opération pratiquée par le chirurgien sur le corps d'un individu." Cité par Benno Müller-Hill  dans son livre "Science Nazie Science de Mort. La ségrégation des Juifs, des Tzyganes et des malades mentaux de 1933 à 1945. Editions Odile Jacob, 1989, page 202. 

Richard Burkhardt (voir note 12) précise quant à lui que Lorenz a utilisé cette métaphore du corps social malade de ses "asociaux" dans deux écrits différents le premier datant de 1940 (voir note 3)

 Nisbett  Alec. "Konrad Lorenz". New York: Harcourt Brace Jovanivich, 1976.

Pour la traduction française: "Konrad Lorenz", Belfond, 1979.

 Konrad Lorenz's Ethological Theory: Explanation and ideology, 1938 -1943.  Kalikow  Theodora.  Journal of the history of biology, Volume 16, Number 1: 39-73. http://www.springerlink.com/content/l14472029l912t37/pdf
 Voir les travaux de Ute Deichmann, Benno Müller-Hill,  Vöger et Taschwer, Richard Burkhardt cités ci-dessous.  
 Cet épisode de la vie de Lorenz n'est connu qu'à travers le rapport d' Hippius,
responsable de ce programme.  On sait simplement que la participation de Lorenz était volontaire, sans pression d'aucune sorte. Ni Lorenz ni quelqu'un d'autre ne mentionnera jamais ce travail. C'est à la même époque que Lorenz écrit  "Die angeboren Formen Möglicher Erfahrung", qui reprend les idées déjà exprimées dans son essai de 1940, et qui sera publié en 1943.  Voir "Biologists under Hitler", Ute Deichmann, 1996, Harvard University Press, pp: 195-197.    
 "Patterns of Behavior. Konrad Lorenz, Niko Tinbergen, and the founding of Ethology." The University of Chicago Press, 2005, 636 pages. http://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo3640703.html 
 Lettre de Lorenz à Heinroth, citée par Burkhart, "Patterns ..." p: 276 
 "Die andere Seite des Spiegels: Konrad Lorenz und der 

National Sozialismus. Föger B. und K. Taschwer. 2001, Wien: Czernin. Cité par Burkhardt "Patternes ...", p 242.

  "La souris, La mouche et l'homme". François Jacob, 1997, Editions Odile Jacob.
  "Science nazie  Science de mort".  Benno Müller-Hill, 1989, Paris,  Editions Odile Jacob. p:13.

  " Evolution et modification du comportement". Konrad Lorenz, 1974, Paris, Petite Bibliothèque Payot. 
  " Me -Ti". Bertolt Brecht. Cité par Jean-Marc Levy-Leblond, "L'esprit de sel". 1981. Fayard, pages 219-220.

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